invitation au voyage... protestant
Les lieux de mémoire dédiés à Luther apparaissent dès le XVIe siècle mais ils sont peu nombreux et localisés là où le réformateur vécut[1] en particulier à Eisleben et Wittenberg. En 1571 la pierre tombale de Luther est placée dans l’église Saint-Michel de Iéna. La maison natale du réformateur à Eisleben devient un musée dès le XVIIe siècle. Dans la même cité la maison du décès de Luther devient un lieu de mémoire en 1863. Des sculptures représentant Luther se trouvent à Quenstedt (1696), aujourd'hui Jessen, Westerhausen (1697-1698) et Gatersleben (1710).
Il faut attendre l’empire allemand[2] (1871-1918) pour voir le pays se couvrir de mémoriaux qui ne sont pas répartis uniformément. Les régions catholiques (Rhénanie et Bavière) et calvinistes (Palatinat et Hesse) sont pauvres en mémoriaux. Ainsi seules les enclaves luthériennes de Bavière (Nuremberg et Cobourg) sont pourvues de monuments. Le royaume de Prusse, pourtant luthérien n’est pas concerné non plus. En fait seules les régions luthériennes annexées[3] tardivement par le royaume de Prusse et les principautés luthériennes intégrées[4] à l’empire allemand sont visées par ces œuvres de propagande nationalistes. Ainsi de nombreux mémoriaux sont érigés au pays de Luther (devenu la Saxe prussienne, aujourd’hui Thuringe et Saxe-Anhalt). Ils apparaissent aussi dans le royaume de Saxe[5] qui se couvre de mémoriaux. L’année 1883, 400 anniversaire de la naissance du réformateur, vit le plus grand nombre d’érections de mémoriaux.
En 1996 les grands lieux de mémoire dédiés à Luther sont inscrits au patrimoine mondial de l’humanité avec la justification suivante : « Le Comité a décidé d'inscrire le bien proposé sur la base des critères culturels, considérant la valeur universelle exceptionnelle du site qui est un témoignage unique de la Réforme protestante qui fut l'un des événements les plus importants du monde dans l'histoire religieuse et politique. Les monuments commémoratifs constituent aussi des exemples exceptionnels de l'historicisme du XIXe siècle. »
É. Deheunynck
[1] Il s’agit de la région comprise entre Erfurt (lieu de vie monastique), Eisenach (lieu de refuge), Wittenberg (lieu universitaire) et Eisleben (lieu de naissance et de décès). Au XVIe siècle cette zone fait partie de la Saxe. Mais elle est annexée en 1815 par le royaume de Prusse, exception faite de quelques principautés indépendantes. La région est alors appelée la Saxe prussienne.
[2] L’empire allemand est proclamé en 1871 dans la galerie des glaces du château de Versailles. Les villes libres et principautés allemandes ne disparaissent pas mais sont intégrées dans l’empire. Seule l’Alsace-Lorraine a le statut de terre d’empire (Reichsland). Le roi de Prusse devient empereur allemand.
[3] Saxe prussienne (1815), Hanovre (1866)
[4] Saxe, Mecklembourg, Hambourg…
[5] La superficie du royaume, longtemps allié à la France napoléonienne, a été réduite en 1815 et correspond à l’actuel land de Saxe.